Farid Chedid - Dommage que le Liban ne puisse offrir des services financiers offshore

INTERVIEW

Entré cette année dans le top 20 mondial des courtiers en réassurance établi par un magazine spécialisé américain, le groupe libanais Chedid Re Capital Holding a mené plusieurs opérations d'envergure en 2015. Son PDG, Farid Chedid, revient pour « L'Orient-Le Jour » sur sa stratégie d'expansion internationale pour le positionnement du Liban sur ce marché.

 

Votre filiale Chedid Re est devenue, en septembre, le seul courtier en réassurance du Moyen-Orient à être classé parmi les 20 meilleurs au monde par le magazine « General Reinsurance » (GR) ? Qu'est-ce qui a motivé ce choix ?

L'une des raisons qui a permis à Chedid Re – qui concentre 80 % de nos activités avec un chiffre d'affaires de 450 millions de dollars – de se hisser dans ce classement est le fait d'être devenu, en juin, courtier à la Lloyds. Auparavant, nous étions sponsorisés par une société déjà approuvée par la Lloyd's, le Syndicat Watkins. Nous opérions dans des branches d'activités spécifiques (risque maritime, incendie, construction, et responsabilité civile professionnelle par exemple) et nous ne pouvions que travailler dans la zone Mena. Avec cette approbation, la situation a changé : nous n'avons pas besoin d'un sponsor et pouvons accéder au marché de la Lloyd's sans limites d'activités ou géographiques.

Il y a eu également plusieurs autres annonces importantes cet été. En juin, le conglomérat saoudien Rashed al-Rashed Group a racheté la participation du fonds EuroMena dans le capital de notre holding. Rashed al-Rashed, qui détient maintenant 16 % du capital, est l'un des plus grands en Arabie saoudite, et renforcera notre expansion au Moyen-Orient. En août, nous avons racheté 50 % de City Brokers, le plus grand courtier d'assurance de l'île Maurice, dans le cadre de notre alliance stratégique avec le groupe GML, l'un des plus gros conglomérats en Afrique de l'Est et à l'île Maurice. La région, qui est politiquement stable en plus d'être riche en hydrocarbures, est un marché intéressant. Enfin, nous avons annoncé en décembre le lancement de notre bureau de représentation au Maroc, à Casablanca Finance City, une plate-forme qui a des lois et régulations spécifiques permettant le développement des activités financières. Nous sommes le premier courtier de réassurance à y ouvrir, et nous utilisons Casablanca comme hub régional pour l'Afrique du Nord et de l'Ouest.

Ces annonces traduisent-elles la volonté d'un repositionnement stratégique et géographique des activités de Chedid Capital Holding ?


Nous essayons de rééquilibrer les activités de notre branche assurance, Chedid and associates, qui représente environ 8 % de nos activités, avec celles de Chedid Re, et c'est notamment pour cela que nous avons investi en Afrique. Nous avons désormais des représentations dans 6 pays : le Liban, Chypre, le Maroc, les Émirats, l'Arabie saoudite et l'île Maurice.
Dans la dernière décennie, nous avons connu une croissance très importante de nos activités à l'étranger : malgré une progression en valeur absolue, le Liban ne pèse plus que 6 % de nos activités contre près de 40 % en 2006. Nos activités se focalisent à 60 % en Arabie saoudite, au Qatar et dans les Émirats. Nous avons également une compagnie d'assurances qui opère seulement au Qatar (Seib insurance company). Nous nous concentrons pour l'instant sur les marchés de la zone Mena et de l'Afrique, où nous travaillons avec 400 compagnies d'assurances. Je pense que dans les 5 ans à venir, une part prépondérante de notre chiffre d'affaires se situera en dehors du Moyen-Orient.

Pensez-vous que le Liban pourrait devenir une plate-forme de réassurance dans la région ?

À la fin de la guerre, le Liban était bien parti pour devenir un centre régional de réassurance. Il existait trois réassureurs internationaux qui s'étaient installés au milieu des années 1990 : une filiale du conglomérat américain General Electric, une filiale de la Berkshire Hathaway (le conglomérat de Warren Buffett) et la Caisse centrale de réassurance, qui appartient à l'État français. Mais GE est parti en 2006, et il ne nous reste plus que deux réassureurs à Beyrouth, contre une cinquantaine à Dubaï qui se sont installés sur les 10 dernières années.
Malheureusement, le Liban ne possède pas de plate-forme offshore pour la finance. C'est dommage, car elles permettent de faciliter le développement des activités pour les entreprises étrangères. Par exemple, dans les pays du Golfe, une entreprise étrangère ne peut détenir que 49 % maximum d'une société, mais dans la zone de finance internationale de Dubaï (DIFC), une entreprise peut détenir 100 % des parts. Ces plates-formes offrent également des incitations fiscales, alors qu'au Liban, nous fonctionnons avec des lois obsolètes. Et l'idée répandue qu'elles permettent le blanchiment d'argent est fausse. C'est plutôt le manque de contrôle qui y incite.

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